Pendant longtemps, le moment de la priorisation des formations ne m’a pas fait rêver. C’était une des tâches de management qu’il fallait faire. Pour moi, cela consistait à reprendre les demandes de mes collaborateurs, à les classer en mon âme et conscience, et à voir ce qui rentrait dans le budget. Indispensable, mais pas forcément l’activité de l’année.
Et puis j’ai découvert que l’on pouvait en faire un vrai acte de développement des collaborateurs et de l’entreprise. Bref un truc sympa, utile et avec du sens. Il m’a fallu pour cela élargir l’exercice, et ce sont ces expériences que je vous partage aujourd’hui.
Mais avant de vous en parler, rendons à César ce qui lui appartient. Car ces évolutions ont été le fruit d’un travail collectif de mon ancien écosystème : des directeurs aux RHs en passant par les managers. D’ailleurs, c’est sûrement parce que chacun y a amené sa patte que nous avons si bien avancé au fur et à mesure des années ;-).
Voici donc comme d’habitude ce que nous avons tenté, ce qui a marché, et bien sûr, ce qui a moins bien marché.
#1 – Des formations aux actions de développement
Au départ, la formation se résumait pour moi à « 3 jours sur un sujet ». Mais cette modalité n’est qu’une des réponses que l’on peut proposer en terme « d’action de développement ». Parce que la réponse à « il faut qu’il progresse » n’est pas toujours « il va faire une formation ». Cela peut être plein d’autres choses.
La première alternative que nous avons introduite était les conférences au sens large. Cela allait de la grande conférence très connue aux petits déjeuners, en passant par les tables rondes et autre meetups. Il faut dire que dans le monde de la tech, c’est indispensable si on veut rester à la pointe, car les nouveautés ne sont justement pas encore dans les formations. Et nos amis RHs étaient suffisamment ouverts pour les prendre en compte.
Nous avons aussi exploré les « vis ma vie », qui consistait à passer quelques jours avec quelqu’un qui a la compétence souhaitée. C’était utile par exemple pour ceux qui voulaient se reconvertir dans d’autre métiers ou technos. Parce que avant de se lancer dans une formation, il était intéressant qu’il sache ce que ça allait être en vrai ensuite.
Le dernier truc que nous utilisions était la formation au sein d’une équipe, c’est à dire mettre un junior dans une équipe expérimentée. L’équipe était alors en charge de sa montée en compétence. Certes, c’était du temps que l’équipe ne passait pas sur de la production, mais la formation était ainsi au plus près du terrain et des vrais problématiques, loin des formations génériques.
Bref, des élargissements utiles.
#2 – De la demande à une ambition managériale
Dans la superbe boite où j’étais, notre ambition était de rester à la pointe, et nous souhaitions pour cela que nos collaborateurs soient ouverts aux nouveautés extérieures. Certes, certains avaient déjà une grande appétence pour ça et auraient évolués seuls. Mais ce n’était pas suffisant.
Nous avons donc souhaité que nos collaborateurs aillent dans une conférence au moins une fois par an. Nous avons pour cela sélectionné quelques conférences de référence qui correspondaient à ce que nous souhaitions insuffler ou promouvoir. La première année, c’était presque une « obligation » à y aller. Et cela a eu du bon, car cela a déclenché le mouvement.
Mais l’effet de bord a été que certains collaborateurs y allaient sans réelle motivation et n’en retiraient pas forcément grand chose. Ils allaient aussi tous aux mêmes conférences. Nous avons donc infléchi notre position les années suivantes, en laissant la main à nos collaborateurs, maintenant qu’ils savaient qu’ils étaient largement encouragés à « aller voir ailleurs ». 🙂
Et d’année en année, nous sommes arrivés à un équilibre, avec toujours des conférences majeures, mais aussi des conférences de niche que nous n’aurions jamais trouvées en tant que « non expert ». Avec des collaborateurs qui étaient très actifs et d’autres moins, selon leur envie mais aussi le domaine plus ou moins mouvant sur lequel ils étaient. Et nous avons toujours gardé une incitation managériale sur le sujet, pour maintenir la dynamique. 🙂
Bref, une solution intéressante pour rester à la pointe et insuffler un esprit d’innovation.
#3 – Du court terme au long terme
Dans la priorisation des formations, il y a d’abord du court terme obligatoire. Et ces formations sont « faciles » à identifier : les formations sécuritaires, celles sur des nouvelles normes officielles…
Mais qu’en est-il de la vision long terme pour le collaborateur ? Dans l’informatique, où on aime la spécialisation, c’est un vrai risque, car les technos et les méthodologies de travail évoluent en permanence. Donc il était utile et nécessaire de prendre recul avec son collaborateur sur son évolution à plus long terme. Pour sentir quand une techno ou un métier allait s’éteindre. Et s’y préparer.
Mais aussi plus positivement, cela se plaçait dans une perspective d’évolution du collaborateur. Vers ou souhaitait-t-il aller dans 5 ans, voire plus? Cela demandait au manager une ouverture d’esprit, pour projeter son collaborateur dans une équipe qui ne sera sûrement plus la sienne. On touche ici la casquette « développement humain » du management, loin de la casquette de « responsable opérationnel ».
Au final, ces réflexions ont donné lieu à des actes de développement certes moins utilitaires, mais ceux-ci permettaient au collaborateur de cheminer tranquillement vers une potentielle évolution ou reconversion. Et à l’entreprise de ne pas se retrouver dans une impasse un peu plus tard.
Bref, un investissement long terme indispensable.
#4 – Du local au global
Connaitre les compétences nécessaires dans son équipe, je dirais que c’est plutôt facile. La question plus difficile est « Quelles sont les compétences que l’on voudra avoir dans l’entreprise dans 5 ou 10 ans? ». Cela demande d’élargir au niveau de l’entreprise et de voir plus loin dans le temps.
Et cela peut donner des réponses bien différentes. Par exemple, c’est avec ces réflexions que nous avons décidé d’être plus volontaire dans les formations Big Data avant que ça n’explose. C’est aussi dans cette vision globale que nous avons formé une dizaine de personnes à la facilitation. Parce que nous sentions qu’en grand au niveau de l’entreprise cela nous serait utile pour décloisonner.
Ce travail peut sûrement se faire de plein de manière, et nous n’avons été très structurés sur le sujet. Cela faisait partie du dynamisme globale, et chaque direction pouvait développer un peu ce qu’elle voulait. Et nous régulions après en cas de doublon ou de divergence. Avec le recul je me dis que nous aurions gagné à être plus collectif sur ce sujet.
Bref, une vision à structurer.
#5 – De l’arbitrage individuel aux décisions collectives
Au début quand j’ai eu des N-1 managers, j’appliquais un process de priorisation classique. Ils me remontaient leur priorisation, et je consolidais et j’arbitrais légèrement sur les bords. Je ne dis pas que c’était mauvais, mais aujourd’hui je me dis qu’on peut faire mieux. 🙂 Parce que chacun de mes N-1 avait une manière différente de prioriser donc ce n’était pas forcément équitable. Et aussi parce que la répartition au prorata du budget, si elle a le mérite d’être simple, ne prend pas en compte les besoins plus ou moins grands de chaque entité.
Donc pour améliorer ça, avec mes derniers N-1 managers, nous avons fait l’exercice collectivement. Au lieu d’une priorisation, chacun a préparé les raisons de chaque demande. Puis nous avons parcouru ensemble les 150 personnes de la direction. Le risque était que cela se transforme en foire d’empoigne et que chacun défende sa paroisse. L’idée a donc été de spécifier dès le départ que chacun prenait ici une casquette neutre de « membre du groupe de décision » et que l’objectif du groupe était de décider ce qui est le plus juste.
Evidemment cela a mobilisé 8 managers pendant quelques heures, et je ne vous cache pas que c’est un peu longuet :-). Mais ça vaut le coup, car au final, nous sommes arrivés à des critères de décision communs. Et cela nous a permis de partager ensemble la vision des compétences à développer sur le long terme. Et surtout nous avons gagné en transparence puisque chacun savait ensuite expliquer les décisions à son collaborateur. Parce que redescendre un arbitrage en y ayant participé ou pas, ce n’est pas la même chose.
Bref, un exercice collectif comme je les aime. 😉
En bref
Voilà, vous savez tout ;-). J’espère que ces élargissements vous ont fait voir cet exercice différemment. Pour ma part, ils m’ont permis que ça devienne une de mes activités préférées de manager : du développement des gens et de la vision long terme. Finalement les aspects nobles du management :-).
En pratique, le plus dur a été de trouver le temps pour essayer tout ça. Parce qu’il est toujours plus facile et rapide de faire comme avant. Mais la deuxième année d’une nouveauté, c’est déjà la routine;-)
Bref, des trucs à essayer.