Pour ceux qui ont raté l’épisode précédent, cette série d’articles a pour but de raconter une expérience de management collégial, ou comment des managers ont fini par piloter une direction sans leur directrice.

Dans l’épisode 1, alignement et travail en commun, je vous ai raconté mon année de directrice à trois casquettes. Leader pour poser mes règles et mes valeurs. Informative pour donner toute l’information que j’avais à mes N-1. Animatrice pour les faire travailler ensemble sur des sujets opérationnels. Nous avions alors un bon socle pour continuer : cadre commun, même niveau d’information et expérience du travail en équipe.

Mais continuer vers quoi ? Pour l’instant je n’avais encore en tête que de dynamiser et décloisonner la direction. Et pour cela le management participatif dirigé mis en place aurait pu suffire. Qu’est ce qui a déclenché l’étape suivante et quel a été le première système de délégation ? C’est le sujet de cet épisode.

Aujourd’hui, épisode 2, le saut dans le vide.

Rythme non soutenable et manque de résilience

Après une année à ce rythme, je vous avoue que j’étais un peu fatiguée… et pourtant ceux qui me connaissent savent que je ne manque pas d’énergie. Comment faire alors en sorte que ce dynamisme transverse continue tout en étant plus écologique pour moi ?

La deuxième problématique était celle de la résilience. A savoir que si je n’étais pas là, même si chaque silo continuerait à tourner opérationnellement, la transversalité n’y survivrait sans doute pas. Hors je voulais l’intégrer dans la culture de mes N-1. Pour que le jour où je partirai, elle reste.

Et pour répondre à cette problématique d’écologie personnelle et de résilience, la réponse paraissait évidente : il fallait déléguer.

Mais si je déléguais un sujet transverse à un seul de mes N-1, comment allait-t-il être légitime vis-à-vis des autres ? Et sur quels critères allais-je décider à qui je délègue quoi ? J’aurais pu évidemment faire ces choix, mais je voulais aussi qu’ils se sentent engagés individuellement et en tant qu’équipe dans ce que nous allions mettre en place.

Et pour engager les gens, la meilleure solution que je connaisse est de leur demander leur avis.

« Imaginez que je ne suis pas la pendant trois mois, comment vous organisez-vous ? »

Mais comment initier le sujet ? Comment le faire avec suffisamment d’impact pour qu’ils s’y projettent vraiment et réfléchissent différemment ? Avec la question suivante : « Imaginez que je ne suis pas la pendant 3 mois, comment vous organisez-vous ? ».

Leur première étape a été de lister ce que je faisais à leur avis. Et j’étais contente de voir que je ne faisais pas rien à leurs yeux. 😉 Cela a donné les thématiques suivantes : recrutement, formation, animation, management, organisation, projets, budget et ambitions d’entreprise. C’était en effet des sujets dont le pilotage et le suivi étaient transverses à la direction et animés par moi.

La deuxième étape a été de savoir comment gérer ces sujets si je n’étais pas là ? Sans surprise, la première piste a été : « On nomme un remplaçant parmi nous ». Mais l’idée ne les enchantait pas, ni pour celui qui allait avoir toute la charge, ni pour les autres qui n’auraient participé à rien.

Ils ont donc proposé qu’il y ait un binôme sur chaque thématique. Simple, facile à mettre en oeuvre, un premier petit pas intéressant à tester en tout cas. Pour l’instant le plan restait théorique.

Un poignet en moins, deux mois de mise en pratique

La synchronicité existe, ou le monde est bien fait (enfin pas tant que ça pour le coup), mais il se trouve qu’un mois plus tard, je me suis cassée le poignet, deux mois d’arrêt… Et mise en pratique immédiate du plan.

Il se sont donc répartis les thématiques, avec un binôme sur chaque, et c’était parti pour deux mois… Sans préavis ni phase de passation, un vrai saut dans le vide.

Je vous rassure, l’opérationnel de chacun a continué à tourner. Mais ça je n’en doutais pas. La question était de savoir comment ça s’était passé sur les thématiques transverses ? Et pour le savoir, rien ne valait une rétrospective: qu’est ce qui a bien marché ? Où est ce que ça a été plus dur ? Qu’est ce qu’on doit améliorer la prochaine fois?

Conclusion: le saut dans le vide, c’est un peu abrupt

Le premier retour était que c’était intéressant. Déjà c’était une bonne chose. ;-). De savoir que ça les avait intéressés, que ça les avaient sortis de leur vie courante, qu’ils avaient appris des choses. Je pense aussi que cette expérience leur a donné envie d’aller plus loin. Evidemment pas à tous, mais à suffisamment pour continuer.

Le deuxième retour était qu’ils manquaient de légitimité vis-à-vis des fonctions transverses externes à la direction. Je ne sais pas si c’était réel ou une perception, mais j’imagine que les personnes en face devaient se demander si ils pouvaient parler au nom de toute la direction et si ce qu’ils disaient n’allaient pas être remis en cause à mon retour.

Ce manque de légitimité se retrouvait aussi vis-à-vis de mes pairs, les autres directeurs. Nous étions dans une entreprise hiérarchique classique, mais surtout une entreprise de réseau, où beaucoup de choses reposaient sur le fait que les gens se connaissaient. J’aime beaucoup ce genre de culture d’entreprise, mais c’est vrai que quand vous n’avez pas le réseau, tout de suite c’est plus dur.

Le troisième retour était qu’ils manquaient de compétences. En effet les process existaient mais n’étaient pas documentés forcément tous explicitement, ou alors ils manquaient des étapes « informelles » mais importantes pour que ça marche.

La suite ? Montée en compétence, légitimité et réseau

Avec ces trois retours, et comme dans toute rétrospective qui se respecte, nous sommes sortis avec des sujets à améliorer : les compétences, la légitimité et le réseau. Ce sera l’objet de l’épisode 3…