En cette fin d’année, j’ai envie de partager avec vous quelques souvenirs d’entretiens annuels, du temps où j’étais manager. Parce que c’était des moments importants et intéressants, et à la fois compliqués.

Mais qu’est-ce que j’entends par « entretien annuel » ? Suivant les organisations, cela peut avoir lieu plusieurs fois par an, en un entretien ou plusieurs… mais globalement le fond reste le même : on prend le temps de se poser pour y parler de poste, de compétences, de manière d’être, d’évolution, de performance, d’objectifs, de salaires…

Personnellement, j’adorais ces moments de prise de recul et de discussions ouvertes. Voici donc mes petites histoires d’entretiens : ce que j’ai essayé, ce qui a réussi, et ce qui a moins bien marché.

Mon premier ratage d’augmentation

Allez commençons par un sujet difficile, pour moi en tout cas :-): parlons argent.

Dans ma carrière de manager, j’avais déjà annoncé des augmentations qui ne convenaient pas du tout à mon collaborateur. Et jusque-là, cela ne m’avait pas posé de problème car je savais que j’avais fait quelque chose de juste dans la marge de manœuvre qui était la mienne.

Et puis un jour, je devais annoncer une augmentation que je trouvais très bien. J’avais un peu l’impression d’être là Mère Noël, mais lorsque je lui ai annoncé, j’ai vu son visage se décomposer. Parce que j’avais raté ce qu’il souhaitait à 0,1% près. Objectivement, le sujet n’était pas financier. Mais dans sa perception, cela gommait le message de reconnaissance que j’avais souhaité faire passer. C’est bien ce qui était rageant, car vu le très faible écart, j’aurais pu faire en sorte de l’atteindre si j’avais su ses attentes avant.

Eh oui parce que jusque-là, je ne posais pas systématiquement de questions sur le sujet. J’attendais que mon collaborateur m’en parle de lui-même, ce qu’il faisait parfois… ou non.

Par la suite, j’ai donc pris sur moi et j’ai abordé systématiquement le sujet en amont, avec une « simple » question sur ce qu’il avait en tête. Et je me suis rendue compte que cela pouvait être un échange constructif, et que dans tous les cas cela me permettait d’anticiper la réaction de mon collaborateur et de m’y préparer au mieux.

Bref, une bonne pratique que j’ai gardée.

Un objectif pour voir…

Dans le monde ou j’étais, l’atteinte des objectifs était importante, et nous discutions pour cela de cibles atteignables.

Et puis un jour, lors d’un entretien, j’ai dû faire autrement… Je ne savais pas quoi proposer pour que la personne évolue, et elle ne savait pas très bien non plus vers où aller… Nous étions dans une impasse, et dans ma conception du management, on ne pouvait pas en rester là.

Nous avons donc décidé de mettre un objectif incertain, pour voir, comme au poker. Pour voir si elle le faisait au final ou pas. Pour cela, nous avons partagé le risque associé: de son côté, le risque était de ne pas réaliser cet objectif avec les conséquences sur son évaluation finale. De mon côté, il était de ne pas voir se réaliser cet objectif utile pour l’équipe. Et une fois ce risque partagé, nous l’avons pris ensemble.

Au final, est ce qu’elle a essayé de le faire ? En partie. Mais nous avons beaucoup appris pour la suite sur ces appétences et compétences. Et rien que pour ça, cela valait le coup.

Bref, un truc qui peut servir en cas de besoin.

Venez avec vos objectifs

Dans les entretiens de fixation d’objectifs classiques, j’arrivais avec des propositions que nous discutions ensemble. Mais au fur et à mesure des années, j’ai commencé à faire l’inverse, ce sont eux qui arrivaient avec leurs propositions.

J’ai préféré essayé ce système avec des N-1 avec qui j’avais déjà fait une version « classique » au moins une année. Nous partagions ainsi déjà un même cadre commun de l’exercice. Je prenais soin aussi en amont leur partager mes propres objectifs ainsi que la vision de l’entreprise. Je leur demandais ensuite de proposer leurs propres objectifs, et de se fixer eux-mêmes leurs attentes.

Et mon rôle alors ? Mon rôle était déjà de bien comprendre ce qu’il y avait derrière les mots, car ce n’était plus les miens mais les leurs. Pour une fois, l’effort de compréhension passait de l’autre côté. 🙂 Il s’agissait aussi de challenger sur la sélection des objectifs et les enjeux associés. Et je me laissais la possibilité de compléter en cas de besoin.

A chaque fois, j’ai été surprise de la pertinence de ce qu’ils avaient proposé. Cela aurait pu être des objectifs évidents et au rabais, mais au contraire, ils étaient ciblés et bien dosés quant aux résultats. L’adhésion était aussi plus forte, les objectifs opérationnels étaient calés plus vite, et cela nous laissait plus de temps pour les axes de progrès plus personnels.

Bref, que du bon. 😉

L’évaluation déléguée

Le principe à tester était cette fois que ce soit le collaborateur qui décide de son évaluation. « Comment as-tu réussi cet objectif ? Qualitativement et quantitativement « . Il s’agissait de questions que je posais déjà, mais à titre informatif ou de discussion. Là, je voulais laisser cette décision à mon N-1.

Le niveau de risque étant un peu plus élevé, j’ai proposé ça uniquement à des collaborateurs dont je reconnaissais la maturité et avec qui la confiance mutuelle était là.

Au final, je dirais que je suis mitigée sur cette expérience;-) Sur le fond, les discussions n’ont pas été vraiment enrichies par rapport à un échange plus classique, et sur les objectifs mesurables, cela n’apportait pas grand chose.

Et sur les objectifs moins mesurables, parce qu’il y en avait toujours, cela m’a semblé enlever l’équité que j’essayais d’avoir entre mes collaborateurs car ils ne partageaient pas le même référentiel d’évaluation.

Bref, je n’ai pas gardé.

Des objectifs collectifs

Pour aller un cran plus loin avec ma dernière équipe, j’ai tenté les objectifs collectifs. Nous étions pourtant dans un monde d’objectifs individuels, ou chacun voulait être maître de réussir son objectif, donc cela n’était pas encore naturel.

J’avais la chance d’avoir pu construire une équipe mature, qui savait travailler ensemble dans la confiance. Le besoin d’objectifs communs est venu car certains objectifs se découpaient mal entre les différents départements, et parce que je voulais aussi créer une dynamique commune autour. Nous les avons par exemple testés sur notre stratégie de recrutement avec un nombre de recrutements à effectuer sur l’année.

Au final est-ce que certains en ont fait plus que d’autres ? Bien sur, ceux qui avaient en pratique plus de recrutement y ont passés plus de temps. Mais je retiens que tout le monde a été en aide active, par exemple pour faire passer un entretien pour son voisin, sans compter les heures de conseils et de soutien moral.

Bref, pas si difficile vu l’équipe en question, et efficace.

En bref

Au final, j’en retiens que comme pour les styles managériaux, tout dépendait de la situation. Plus le niveau de maturité et la confiance étaient présents, et plus je pouvais aller progressivement dans le participatif voire le délégatif. Le tout en mesurant à chaque fois le niveau de risque pour modérer en fonction.

Bref, on voit et on avise 😉