En écrivant cet article, je me suis posée la question : mais au fait, pourquoi déléguer quand on est manager ? Et bien étonnamment ça n’a pas été si facile d’y répondre. Jusqu’à une conversation avec un ami manager qui me dit : « Je suis débordé, là il faut vraiment que je délègue ». Bon ben voilà, c’est ça la raison principale. Il y a beau y avoir plein d’autres raisons de déléguer, c’est souvent celle qui déclenche le mouvement. Pourquoi ? Parce que là, il n’y a plus le choix.
Mais pourquoi attendre d’être au pied du mur ? Parce que ce n’est pas si facile que ça, de le décider et de le mettre en oeuvre. Je précise pour la suite que je n’ai jamais été une intégriste de la délégation, et que le pire pour moi aurait été de déléguer par principe, c’est à dire n’importe quoi à n’importe qui, n’importe quand et n’importe comment. Et c’est bien pour éviter ça qu’il faut un peu de réflexion et de technique 🙂
Je vous propose donc une méthode en cinq points pour déléguer sans stress et sans remords. Parce que savoir quoi faire c’est bien, mais savoir comment le faire, c’est mieux.
Prêt ? C’est parti !
#1 – Je veux bien déléguer mais… ?
Commençons par quelques questions : Qu’est-ce qui fait que vous avez attendu d’être sous l’eau avant de vous décider à déléguer ? Ou qu’est-ce qui vous manque encore ? Voici un panel de ce que j’ai déjà entendu.
Je veux bien déléguer… mais :
- Ce sera moins bien fait que si je le fais
- Ca ira plus vite si je le fais moi même
- Ca rentre encore dans mon emploi du temps si j’optimise un peu
- Olivier (mon N-1) ne sait pas faire
- Je veux que ce soit fait comme je veux
- Je veux être au courant
- Mes N-1 sont tous débordés
- Ce sont mes sujets, j’aime bien les faire
- …
Et la mauvaise nouvelle, c’est que toutes ses raisons sont vraies. En tout cas au début. C’est à dire que si demain vous dîtes à Olivier de faire quelque chose à votre place, comme ça d’un seul coup, il y a peu de chance que ça marche. Après, on n’est jamais à l’abri d’un coup de bol.
Dans le cas contraire, je vous propose de faire le deuil ici sur le fait que la délégation sera immédiate et sans aucun effort. Je n’ai malheureusement pas d’outil magique pour ça. Par contre, j’ai une méthode qui va vous permettre que ça marche sans trop de problème 🙂
Bref, quand faut y aller…
#2 – Faire le bon choix
Eh oui parce qu’on ne délègue pas n’importe quoi à n’importe qui. C’est là qu’il faut vous poser sur deux choses : ce que voulez déléguer, et qui vous avez sous la main. Ca parait simple, mais pas tant que ça.
Le premier volet, c’est de choisir un sujet à déléguer. Ca peut etre les activités où vous n’êtes pas spécialement doués (ça arrive) ; celles que vous n’aimez pas faire (mais que peut être d’autres aimeront) ; celles qui ne sont pas cohérentes avec votre poste (parce qu’on vous a dit « mais ce n’est pas à toi de faire ça ! ») ; ou toute bonne raison personnelle de vouloir transférer un sujet. Et si vous n’en trouvez pas, demander à un ami, lui il saura.
Deuxième volet : à qui déléguer. Et la réponse n’est pas « à celui qui a le temps », mais plutôt à celui qui en a le potentiel et l’envie. Pour le potentiel, ça demande de faire appel à son intuition de manager. Parce que comme Olivier ne l’a jamais fait, vous ne pouvez pas être sûr qu’il réussira. C’est la que votre connaissance de vos N-1 rentre en jeu. Parce que si vous partez avec des doutes, ce sera plus dur. Et sur l’envie, ca peut etre trompeur, parce que parfois ça ne se voit pas, donc si vous en avez l’occasion, demander.
Bref, la base : la bonne personne pour le bon sujet.
#3 – Y aller progressivement
Imaginons qu’à ce stade vous avez le sujet et le candidat. Et bien allez-y , vous pouvez tout lâcher ! Non je plaisante, ça ne va pas non ! 😉 On m’a souvent dit quand j’étais manager que je n’hésitais pas à déléguer. C’est vrai. Et à la fois, croyez moi, je n’ai jamais rien laissé hors de contrôle. 😁
La contradiction apparente vient du fait que quand on parle de délégation, on pense à la délégation totale, où Olivier, votre N-1, prend en charge de manière totalement autonome un sujet que vous suivez ensuite de très loin. En vrai, la délégation commence bien avant, et c’est là qu’on a besoin de l’outil magique.
Parce que la délégation, c’est comme beaucoup chose dans la vie, ce n’est pas blanc ou noir. En l’occurrence dans cet outil, il y a 7 couleurs, ou 7 niveaux de délégation. Du niveau 1, qui correspond en fait à aucune délégation (la dictature, mais c’est utile pour certains sujets), au niveau 7, qui correspond à la délégation la plus totale (vous n’êtes même plus au courant).
En pratique, dans les processus de délégation, j’en utilisais 4.
- Le 3 : Vous avez le lead mais il participe. Vous ne gagnez pas de temps, mais vous commencez la montée en compétence.
- Le 4 : Vous faites ensemble. Vous pouvez aussi commencer à partager les décisions et les taches en partie, ce qui est déjà ça.
- Le 5 : Il a le lead mais vous discutez du sujet avant pour donner vos conseils et éclairages, dans votre grande sagesse et expérience. Là vous commencez vraiment à gagner du temps.
- Le 6 : Il fait et il vous tient au courant après. Là c’est le bonheur.
Le problème c’est que pour arriver au 6, il faut commencer par le 3, le 4 ou au pire le 5. Parce que aller au 6 directement n’est pas sympa, ni pour celui à qui on délègue, ni pour les control freak qui aiment que les choses soient bien faites (ce qui arrive à des gens très bien 😁).
En bref, la délégation progressive, c’est win win. Et sécurisée.
#4 – Accompagner le mouvement
Accompagner le mouvement, c’est d’abord accompagner votre N-1. Parce que sauf exception, il était occupé jusque-là, donc il y a peu de chance qu’il ait du temps naturellement. L’idée dans ce cas est de lui poser quelques questions simples : Comment va-t-il s’organiser ? Qu’est-ce qu’il ne fera plus ? Et l’assumer ensemble.
Ensuite, accompagner la délégation. Parce que la mauvaise nouvelle, c’est que déléguer prend du temps… au début. Et là ça dépend de la situation et de la personne : Pour un sujet non critique avec quelqu’un qui a déjà fait des choses similaires, votre investissement même au début pourra être léger. Alors que pour les sujets plus critiques et avec un collaborateur plus junior, ça va être beaucoup plus consommateur. Donc ça dépend, et ça dépend aussi de votre tolérance au risque. 🙂
Et pour finir, vous accompagner vous. Parce que malgré toute la méthode, le risque zéro n’existe pas. Donc il va arriver que ce ne soit pas fait aussi bien que vous le vouliez, que vous ne soyez pas prévenu d’un truc, que votre N-1 n’ait pas le temps de le faire… Dans ce cas, une seule solution : respirer…souffler…adapter. Soit vous adaptez votre manière de voir les choses, en vous posant deux questions : Est-ce si grave ? Vraiment ? Soit vous adaptez la délégation, en revenant éventuellement à un niveau du dessous (refaire ensemble, reconseiller…).
Bref, on voit et on avise.
#5 – Déléguer positivement
Nous avons commencé l’article avec la délégation pour managers débordés. C’est peut etre la raison la plus fréquente, mais peut etre la moins bonne. Parce que c’est dans ces cas là que l’on n’a pas le temps de bien déléguer, parce que justement on n’en a pas, du temps.
Heureusement il y a aussi plein d’autres occasions de déléguer, beaucoup plus positives et faciles :
- Parce que je ne veux plus être indispensable
- Parce que je veux faire plus de choses stratégiques
- Parce que je veux responsabiliser mon équipe
- Parce que l’un de mes N-1 plafonne et s’ennuie
- Parce que c’est celui qui fait qui doit décider
- Etc…
Et là, on peut prendre le temps de définir une stratégie de délégation progressive, et de la mettre en œuvre tranquillement sans stress.🙂
C’est ce que j’avais fait avec mes anciens N-1 qui plafonnaient. Je leur avais délégué certains sujets de la direction. Et comme je suis hyper sympa, je vous partage notre tableau de délégation. Vous noterez qu’en plus du sujet et de l’objectif, nous avions aussi défini ensemble l’état d’esprit, les actions majeures et même les relations à entretenir. Avec des niveaux de délégation entre 4 et 7.
Bref, loin du free style. 😁. Mais au final très efficace.
En bref
Voilà vous savez tout,… ou presque. Parce que la délégation c’est bien plus que ça. C’est aussi plein de questions existentielles et complexes : Qu’est-ce que je vais faire si je ne fais plus ça ? Est-ce que je peux accepter que ce ne soit pas parfait ? Qu’est-ce que je vaux si je ne suis plus indispensable à tout ? Est-ce que je ne vais pas m’ennuyer en laissant un peu d’opérationnel ? Est-ce que je reste sympa si je donne du travail en plus à quelqu’un ?
Et c’est là la limite de la méthode, ça ne répond pas à ces questions. Et à la fois c’est souvent en testant qu’on se rend vraiment compte des choses.
Donc bref, ça se tente…